Responsable Grands Comptes Aéronautiques et Délégué aux Affaires Externes chez HEXCEL Composites, Jean-Marc Feuillas conjugue science, innovation et passion depuis plus de 30 ans dans l’univers des matériaux composites. Rencontre avec un homme de défis, porté par une vision claire de l’industrie et une volonté de transmettre.

 

PARCOURS ET EXPERTISE

Q : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Jean-Marc Feuillas, Docteur Ingénieur chimiste, aujourd’hui Responsable Grands Comptes et Délégué aux Affaires Externes chez HEXCEL Composites, leader mondial des matériaux composites hautes performances, allant de la fibre de carbone jusqu’au nid d’abeille en Nomex ou Aluminium.
La société HEXCEL est implantée en Auvergne-Rhône Alpes sur trois sites : Les Avenières (en Isère, c’est la plus grande usine mondiale de tissage carbone) ; Péage de Roussillon (en Isère également, pour la fabrication du PAN et de fibre de carbone) et enfin à Dagneux (dans l’Ain sur la production de résines et de produits pré-imprégnés.
Aujourd’hui je combine des responsabilités commerciales (ventes et gestion de grands comptes) et des responsabilités en innovation et en gestion de partenariats techniques et académiques. Je gère un portefeuille de 35 millions de dollars, réparti sur une vingtaine de clients français et internationaux. Chaque jour, je supervise les ventes, je développe de nouveaux produits en partenariat avec mes clients et j’analyse en profondeur les besoins du marché aéronautique. J’accorde également une grande importance à l’écoute au sein de l’entreprise, afin de valoriser les échanges et renforcer la performance collective.

Q : Quel a été votre parcours académique ?

Après l’équivalent aujourd’hui d’un bac scientifique, j’ai commencé par un BTS en chimie, poursuivi à l’École supérieure de chimie, physique, électronique de Lyon (CPE Lyon) où je suis devenu ingénieur chimiste, puis j’ai complété par un doctorat en chimie macromoléculaire à l’Institut Charles Sadron de Strasbourg, avant d’être chercheur en post-doctorat à Madrid au CSIC. Mon sujet portait sur la stabilisation du PVC, en partenariat avec l’ancien groupe chimique Rhône-Poulenc.
Ce sont mes professeurs de lycée qui ont éveillé ma passion pour la chimie – cette science qu’on retrouve dans le confort des vêtements, les couleurs, le bâtiment, le sport, bref… dans la vie de tous les jours.

Q : Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce secteur ?

Ce que j’ai toujours aimé, c’est ce lien entre la science et son application concrète. L’industrie chimique, et notamment les polymères, permettent de créer des solutions performantes, utiles, durables. Ce goût de l’innovation et de la transformation me guide encore aujourd’hui.

 Q : Des obstacles sur votre route ?

Oui, notamment pour financer ma thèse. À l’époque, les opportunités étaient limitées. Heureusement, mon engagement dans le sport de haut niveau – j’étais membre de l’équipe de France cadet/junior de volley-ball – m’a ouvert des portes. Grâce à mon réseau, j’ai décroché une bourse industrielle avec Rhône-Poulenc.

 Q : Parlez-nous de votre parcours professionnel.

Depuis plus de 30 ans, j’évolue dans le marketing stratégique et le développement commercial, au service d’industries exigeantes telles que les composites, la chimie de spécialité et les plastiques. Mon moteur a toujours été d’accompagner la croissance des entreprises en créant de la valeur : par l’innovation, la segmentation de marché et le management d’équipes performantes.
Aujourd’hui chez Hexcel Composites, je gère un portefeuille stratégique de 32 millions de dollars dans l’aéronautique et le maritime, tout en coordonnant nos partenariats techniques et académiques.
Avant cela, chez Solvay, j’ai structuré un cluster d’innovation régional, dynamisé la croissance d’une gamme pour batteries lithium-ion et piloté la stratégie composites thermoplastiques à l’échelle mondiale.
Chez Becton Dickinson, j’ai dirigé une équipe européenne en marketing, généré une forte croissance et lancé des projets innovants en dispositifs médicaux.
Mes expériences chez Chomarat, Omya et Arkema m’ont permis d’acquérir une solide expertise en développement international, en création de partenariats stratégiques et en lancement de nouvelles gammes de produits.
Tout au long de mon parcours, j’ai cultivé un réseau actif avec industriels, distributeurs et experts pour accompagner la croissance et anticiper les tendances du marché.

 

PROJET PHARE ET VISION D’AVENIR

Q : Quel projet vous a marqué particulièrement ?

Un de mes projets les plus marquants car un des plus difficiles fut celui du transfert des kits acoustiques IFS intégrés au sein des nacelles des moteurs LEAP depuis notre usine de Welkenraedt en Belgique jusque dans notre nouvelle usine  marocaine de  Casablanca.

Hexcel fournit Les nids d’abeille aluminium en haute et basse densité, ainsi que les pré-imprégnés carbone-résine époxy, de la colle structurante et un tissu de verre. Tous ces produits sont déposés soit manuellement soit avec un robot six axes pour former une structure complexe , partie intégrante de la nacelle finale fabriquée par Safran au Havre.

Le transfert aura nécessité deux années de collaboration avec les ingénieurs de Safran , les équipes Belges et Marocaines  d’HEXCEL avant d’obtenir la certification et respecter le cahier des charges aux niveaux  qualité, technique et économique imposés par le client final Safran.

Le succès de ce projet est lié au travail des équipes, à l’expertise véhiculée entre les deux sociétés et surtout à la volonté de développer un partenariat stratégique entre les sociétés Safran et Hexcel. De nos jours les Airbus A320 NEO, A321 volent avec des moteurs LEAP entourés d’une Nacelle Safran qui contient ces kits IFS.

 Q : Comment voyez-vous l’avenir de l’aéronautique et de l’industrie ?

L’écologie scientifique doit guider nos décisions. Les enjeux sont énormes : mobilité croissante, innovation durable, excellence opérationnelle.

Quand on parle des tendances actuelles de notre industrie, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est bien sûr la transition écologique. Malheureusement, je trouve ce concept souvent galvaudé. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une écologie active, une démarche partagée et comprise par tous, basée sur des faits scientifiques et non sur des mesures punitives.

Parallèlement à cela, je perçois une forte tendance vers l’excellence opérationnelle et une soif d’innovation constante. Je crois beaucoup en la collaboration européenne pour mener à bien des projets ambitieux, de ceux qui façonneront l’avenir pour nos enfants. C’est ensemble, en unissant nos forces et nos expertises, que nous pourrons relever les défis de demain.

Enfin, il y a l’émergence de nouveaux domaines absolument passionnants. L’intelligence artificielle appliquée représente, à mon sens, le grand challenge de demain. Et n’oublions pas l’accroissement inéluctable de la population mondiale, qui va forcément redéfinir nos modes de vie. Nous allons assister à une augmentation des besoins en déplacement, en communication, etc.  Nos paradigmes sont en pleine mutation, et c’est une période incroyablement stimulante.

Q : Comment voyez-vous l’évolution des métiers pour l’industrie aéronautique et plus largement ?

En tant que Directeur Commercial par le passé, j’ai toujours placé le confort de mes équipes et la responsabilité au cœur de mon management. Puis, en tant que Directeur Marketing, mon rôle était d’être à l’écoute constante des besoins de nos clients, des dynamiques du marché et de la capacité de notre entreprise à y répondre rapidement.

Aujourd’hui, avec le recul qu’offre mon poste actuel auprès des grands comptes, je constate une évolution significative. Nous entrons dans une ère où les procédures se multiplient, où des systèmes complexes et des contrôles omniprésents tendent à prendre le pas sur l’initiative humaine et le développement créatif. On observe parfois un glissement où le bénéfice de l’actionnariat semble primer sur d’autres considérations.

Pour ce qui est des nouveaux métiers et technologies qui émergent dans l’aérospatiale, je crois fermement que l’Intelligence Artificielle va tout révolutionner. Nous verrons des composites devenir intelligents et traçables, ce qui nous permettra d’étudier avec une précision inédite le vieillissement des matériaux. L’acier et les alliages vont continuer à évoluer, tout comme l’électronique embarquée et l’automatisation des processus de fabrication. Et bien sûr, le secteur spatial ouvre des perspectives encore plus vastes et excitantes pour l’avenir.

CONSEILS ET INSPIRATIONS

 

Q : Qu’est-ce qui vous motive et vous inspire dans votre métier au quotidien ?

Ce qui me passionne profondément dans mon travail, c’est avant tout le plaisir que j’y trouve chaque jour. J’ai la chance d’évoluer dans un environnement où je maîtrise mes objectifs et mon cadre de travail, ce qui est une source d’épanouissement immense. Mais par-dessus tout, c’est la passion de voir mes clients réussir qui m’anime véritablement. J’adore l’art de la négociation, construire des accords gagnant-gagnant, et développer mon réseau professionnel est un aspect que je trouve extrêmement enrichissant. Je crois beaucoup au pouvoir d’une communication claire et efficace, et c’est une corde de plus à mon arc que j’apprécie particulièrement.

Q : Quelle est votre plus grande fierté professionnelle ?

« Ma plus grande fierté, c’est d’avoir appris à rester humble face au succès. Chaque réussite, je le sais, est le fruit d’un travail d’équipe, d’une synergie de talents. Et je crois sincèrement que chaque échec n’est pas une fin en soi, mais plutôt une porte que nous n’avons pas encore eu l’opportunité d’ouvrir. C’est cette perspective qui me pousse à toujours aller de l’avant avec optimisme.

Q : Quels encouragements aimeriez-vous adresser aux étudiants qui aspirent à travailler dans votre secteur ?

Mon premier conseil serait de persévérer dans vos études, bien sûr, mais surtout d’avoir un projet, une vision claire de ce que vous voulez accomplir. N’hésitez pas, si vous en avez l’opportunité, à vivre une expérience à l’étranger. C’est une richesse inestimable qui ouvre l’esprit et élargit les horizons. Pour moi, au début de ma carrière, c’est la chimie qui a été ce moteur, cette passion. Trouvez ce qui vous anime dans l’aéronautique et ses nombreux domaines, laissez cette passion vous guider !

Et surtout, ne craignez pas d’explorer différentes voies au sein de ce vaste univers. Il est essentiel d’avoir une vision d’ensemble, une perspective globale – j’aime bien parler d’une ‘vue hélicoptère’ – sur votre métier, sur votre projet, sur n’importe quelle situation donnée. Cela vous permettra d’anticiper, de comprendre les interconnexions et de saisir les opportunités qui se présentent.

Formez-vous à l’aéronautique et au spatial !

Découvrez les formations qui vous permettront de décrocher un emploi ou de parfaire vos connaissances sur la filière aéronautique et spatiale.

Ça peut vous intéresser

Aéronautique et environnement : ce qu’il faut savoir

Aéronautique et environnement : ce qu’il faut savoir

L’aéronautique, en France, c’est tout un symbole : celui de l’excellence et du savoir-faire français à l’international dans le domaine des technologies de pointe. Cependant, la filière fait aujourd’hui face à un défi de taille : réduire son empreinte carbone tout en...